ANALYSE – 1914-1918 : la bataille de l’écrit
2 août 1914, partant au front, confiant, le lieutenant Charles Péguy dit à l’un de ses camarades : « Tu les vois, mes gars ? Avec ça, on va refaire 93. » La guerre pour laquelle ils partent, « hussards de la République » ou bohèmes, dont ils rêvent, chasseurs à cheval et dragons (Bernanos, Bertrand, Dullin), est celle des soldats de l’An II ou grognards de l’Empire. Chevaux, casques à cimier et queue de cheval, plumet, pantalon garance, fourragère, guêtres, sabre au clair, épée, cavalcades … Or le nouvel arsenal allemand crée l’hécatombe : le premier mois est terrible, 85 000 tués dans la bataille des Ardennes. Le 22 août a été le jour le plus meurtrier du conflit : 27.000 soldats français sont tombés sous la rampe de feu ennemie. Le 5 septembre 1914, à Villeroy, Péguy, le poète paysan de 41 ans, debout, pointant le sabre vers l’ennemi, exhorte ses hommes à avancer. Une balle l’atteint en plein front – ce trou à la tête symbolise la violence destructrice faite à la culture, au meilleur de notre humanité. Les 6-7 septembre, pour la bataille de la Marne, Paris mobilise ses taxis. Le 10, les Allemands n’avancent plus ni ne reculent : c’est la guerre de position défensive, où chaque camp creuse ses tranchées et son réseau de boyaux. Les deux fronts s’enterrent face à face pour durer. La cathédrale de Reims est en feu. Le 22 septembre, à Saint-Rémy-la-Calonne, le lieutenant Henri Fournier, 28 ans, est tué avec deux officiers et dix-huit hommes – malgré toutes les recherches effectuées, leurs corps ne seront retrouvés que 77 ans plus tard. Un an plus tôt, Le Grand Meaulnes lui valut le prix Goncourt. Le 30, Ernst Stadler (premier traducteur de Péguy en allemand) tombe près d’Ypres.
Ni ces écrivains, ni Adrien Bertrand , auteur de L’Appel du sol, n’ont eu le temps de témoigner d’une guerre dont on sait, dès lors, qu’elle sera longue, meurtrière, sous ses frappes massives et aveugles.
Le 11 novembre, de la Somme à la mer du Nord, la ligne de front se fixe sous les tirs, les bombardements intenses, dans la boue et les intempéries. Il faut tenir. Quatre années durant les opérations se concentrent sur onze départements du nord-est, complètement dévastés.
La France, sous le choc, n’est pas préparée à de tels massacres de masse, techniques, chimiques, industriels. Devant ce combat sur terre, sur mer et aussi aérien et sous-marin mobilisant les cinq continents, c’est la sidération…..
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Martine MONTEAU
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