Journaliste, amateur de belles lettres,
Philippe Chauché nous fait partager ses coups de coeur.
trace de poète 2012 . Lecture du 13 mai .
Contre Guernica, de Antonio Saura, lu par Philippe Chauché .
– pamphlet –
Éditeur: Archives Antonio Saura, 5 Continents éditions.
‘Contre Guernica’ est un pamphlet (…). C’est un pamphlet qui dénonce le théâtre unanime et tapageur, ‘la clameur démente’ qui entoura l’arrivée du Guernica de Picasso en Espagne (…)
Saura est à cette époque un des rares à voir et à comprendre que cette agitation polymorphe est en réalité une machine à combler le vide d’une Espagne culturellement exsangue…’ Olivier Weber-Caflisch.
Avant-propos par Olivier Weber-Caflisch.
Préface par Félix de Azùa.
‘Contre Guernica’ (Paris le 10 décembre 1981), suivi de ‘Requiem pour Guernica’ (Paris, juillet 1992) et de ‘Pour sauver Guernica’ (Paris, Juillet 1997).
Je hais Guernica : c’est un dessin colorié plus qu’une peinture et pourtant l’un des tableaux les plus célèbres du XXe siècle.
Je déteste Guernica : c’est une affiche géante et, comme toute vulgaire affiche, on peut copier et multiplier son image à l’infini.
Je méprise Guernica : son image de deuil et d’office des ténèbres pourra se perpétuer malgré les balles et les bombes.
Je déteste Guernica : la toile de fond de son décor apartient à une pièce dont le dénouement n’a pas encore eu lieu.
Je déteste le miracle de la multiplication des pains et des poissons de Guernica.
Je déteste Guernica : sans être un tableau historique, c’est tristement l’une des compositions les plus extraordinaires de l’histoire de l’art.
Je déteste Guernica : l’avion dans lequel il a voyagé atterrit avec quarante-cinq minutes de retard.
Je déteste le Cason del Buen Retiro, qu’en d’autres temps on appelait aussi « Musée de reproductions artistiques ». Comme ces deux noms l’indiquent, il était prédestiné à accueillir cet épouvantail noir et gris de Guernica.
Je déteste Guernica : une horrible larme rouge découpée dans du papier fut remise à Bergamìn qui devait accompagner le tableau et la coller à n’importe quel endroit de sa surface.
Je hais Guernica : à son arrivée à Madrid, à 8 heures 35 avec le jumbo jet « Lope de Vega » et après quarante-quatre ans d’attente, il a été escorté par la force publique.
Je méprise Guernica : il va être présenté dans une salle de bal du XVIIe siècle dont les hauts plafonds voûtés « multiplieront les effets optiques du tableau ».
Je hais les hélicoptères qui accompagnèrent Guernica à son arrivée, rappelant d’autres vols de réjouissante mémoire.
Antonio Saura. Contre Guernica, pamphlet. Traduit par Edmond Raillard.
Éditions 5 Continents, 2008, Contre Guernica a été publié pour la première fois en 1982.
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